Vers l'obligation d'achat ?

Le site d’information Médiapart a publié récemment un entrefilet qui à ce jour n’a pas eu l’écho attendu mais qui risque de faire beaucoup réagir s’il est confirmé.

 

En février, un important groupe de lobbying représentant des poids lourds de l’industrie et du commerce a organisé une action auprès des eurodéputés. Cette campagne menée par des experts en communication semblerait avoir réussi et il en résulterait un projet de loi en préparation à Bruxelles.

Rien de très étonnant : c’est le pain quotidien de nos représentants européens d’écouter les groupes d’intérêts, de faire la synthèse de leurs propositions et de les retranscrire dans des projets de lois destinées à faire évoluer les règles en vigueur dans les 28 pays de l’Union.

Beaucoup plus étonnants seraient le sujet et l’intention de cette loi en préparation. Pour mieux comprendre, il convient de revenir à la genèse de cette histoire.

 

Souvenons-nous de la crise des subprimes intervenue en 2008 et de ses conséquences sur l’économie mondiale : faillites d’importants établissements bancaires, insolvabilité de nombreux épargnants, chômage de masse et ralentissement de l’économie mondiale.

Depuis cette date, on constate que l’économie mondiale est en berne et que le chômage de masse s’installe durablement.

Jusqu’à ce jour, personne n’a trouvé la martingale pour enrayer cette crise. Jusqu’à ce jour, car c’est bien le point de départ de cette démarche de lobbying que  nous  dont nous rendons compte ici.

 

L’idée de départ pour redynamiser l’économie s’inspire des théories de John Maynard Keynes, « inventeur » du concept de la relance économique par la consommation : pour relancer l’économie d’un pays ou d’une région, il faut favoriser la consommation.

Ici, un pas de géant est franchi en passant de « favoriser » à « inciter » voire « contraindre ».

S’appuyant sur l'article L.122-1 du Code de la consommation qui stipule qu'« il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime », le groupe de pression avance l’idée que si une loi interdit le refus de vente, une loi européenne devrait également interdire le refus d’achat.

 

Incroyable ! De la même façon qu’un « vendeur » professionnel ne peut pas refuser de vendre à un consommateur, un consommateur ne pourrait pas refuser d’acheter à un vendeur.

 

Bien sûr, afin d’éviter de possibles dérives, cette loi européenne encadrerait cette pratique. Au moment où nous écrivons ce billet, l’idée qui prédomine serait de définir le refus d’achat de la façon suivante : « Si un consommateur fait une demande précise à un fournisseur et que ce fournisseur répond en tout point à la demande du consommateur, celui-ci ne pourra pas refuser d’acheter le produit ou service proposé. »

Exemple : vous souhaitez acquérir une voiture neuve. Pour cela vous vous rendez dans une concession automobile muni d’un « cahier des charges précis » : une voiture de segment A (Citadine), 3 portes, moteur diesel, consommant moins de 4 l/100 km, d’une autonomie de 850 Km et d’un montant n’excédant pas 8 500 €. Si le concessionnaire propose un modèle répondant à tous vos critères, vous ne pourrez pas refuser de l’acheter.

 

On comprend bien l’intention : fluidifier et accélérer la consommation.

Bien que très surprenante, l’idée est pertinente.

Un des principaux arguments avancés est lié aux coûts de commercialisation en augmentation constante. Les industriels à l’origine de cette idée et de ce futur projet de loi, font le constat que dans une économie atone, les coûts de commercialisation « plombent » leur compétitivité et contribuent aux mauvaises performances économiques de leurs entreprises.

L’argument mérite d’être étudié : en moyenne, le salaire d’un vendeur, ses frais de déplacement, les investissements marketing peuvent représenter jusqu’à 40% du prix final.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur les raisons qui motivent parfois certains consommateurs à demander des devis pour ne jamais y donner suite alors même qu’ils répondent à tous les critères.

Mettre fin à cet état de fait permettrait de faire baisser sensiblement les prix de nombreux produits et ainsi de les rendre plus accessibles pour les consommateurs. Cela permettrait de relancer l’économie et par là même l’emploi, donc la consommation. Un vrai cercle vertueux !

 

Bien sûr, des questions restent sans réponse :

Qu’en serait-il de la liberté de choix du consommateur ?

Comment définir les critères pour déterminer que le produit serait conforme à la demande du client ?

Quelle institution serait chargée de faire respecter cette loi sur le refus d’acheter ?

 

Même si cette future loi fait naître beaucoup d’espoir, il faut rester prudent. Le chemin risque d’être très long avant sa promulgation et ses effets sur notre économie.

Autre embûche, la transcription de cette directive européenne en droit français donnera sûrement lieu à d’âpres débats sur les bancs de nos deux assemblées.

 

Toutefois, il semble qu’une vraie solution de sortie de crise apparaisse. Idée tellement novatrice que l’on ne sait pas si elle s’inspire de l’ultra-libéralisme ou de l’économie dirigée. Mais, aussi déstabilisante soit-elle, nos économies malades et leur cortège d’hommes et de femmes sans emploi ne pourront pas feindre d’ignorer cette idée indéfiniment.

 

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Bonnes réflexions. 

 

Rémi

 

 

PS : Quel jour sommes-nous, au fait ? 



Publié le 1er avril 2016