Les patrons ont-ils les pieds plus solides que ceux des employés ?

Martin est préparateur de commandes depuis 17 ans chez Proctectphone, entreprise spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de housses de protection pour les portables… Du Nokia 3210 au dernier smartphone, l’entreprise se vante de pouvoir tout fournir. Le stockage des 8000 références est assuré dans un entrepôt de 5000 m². Depuis quelques années, le chiffre d’affaires est garanti essentiellement par Carchan, le numéro un de la grande distribution en Europe. Plus de 330 magasins à livrer deux fois par semaine. Pour la télévente, le jeudi est la grosse journée ! Les 330 Carchan commandent leurs housses pour une livraison impérative le samedi avant 6h00, pour que les produits soient disponibles en rayon dès l’ouverture des magasins. C’est essentiel, le samedi représentant en moyenne 40% du CA de la semaine. Le vendredi matin, chez Protectphone, c’est le rush pour la logistique et particulièrement pour le service préparation de commandes. Tout doit être prêt à 15h00 lorsque les transporteurs viendront récupérer les palettes à livrer partout en Europe. Frédéric est le responsable de l’entrepôt. Le vendredi, la journée de travail commence deux heures plus tôt que le reste de la semaine. A quatre heures, les douze préparateurs de commandes sont déjà au boulot. Frédéric ne dort jamais bien dans la nuit du jeudi au vendredi craignant l’absence d’un préparateur. Même avec un surinvestissement des onze présents, les commandes ne seraient pas toutes honorées. Le contrat qu’ils ont signé avec Carchan est contraignant : chaque rupture, quelle qu’en soit la cause, occasionnera non seulement une perte de chiffre d’affaires pour Protectphone mais aussi des pénalités importantes en euros sonnants et trébuchants. Et trébucher, il n’en est pas question !
   
    Aussi, un préparateur absent, c’est la quasi-certitude d’une pénalité évaluée à 5000 euros. Ça fait mal ! Deuxième raison du sommeil peu réparateur pour Frédéric : l’attitude de Martin. Depuis un mois, Martin, le plus ancien, le plus rapide et le plus expert des préparateurs de commande, a décidé que le port des chaussures de sécurité, pour lui, c’était comme le bonheur au Club Med : « Si je veux !».
  
     Et il ne le veut pas beaucoup !
   
    Frédéric n’a pas laissé faire. Il a déjà rencontré Martin à plusieurs reprises pour lui faire mettre ses chaussures de sécurité et remettre l’église au milieu du village. Frédéric a entendu de la part de Martin toutes les bonnes raisons qui selon lui justifieraient  qu’il soit dispensé du port des chaussures de sécurité : « C’est laid », « C’est lourd », « J’ai lu une étude, c’est inefficace », « 17 ans que je les porte, ça ne m’a jamais servi », « Avant que tu arrives dans l’entreprise, ton prédécesseur nous laissait tranquilles avec ça. Il nous prenait pour des adultes, LUI », « Si tu m’obliges à les porter, je vais démissionner », « Ok, je les porte, mais ne me demande jamais un service, ce sera niet », « Je suis le meilleur préparateur, avec ou sans chaussures », « Le patron, quand il passe dans l’entrepôt, il ne les porte pas…Ses pieds patronaux seraient-ils moins fragiles que mes pieds d’employé ?… Le risque de l’accident serait-il moindre pour un dirigeant que pour un exécutant ? »…
   
    Frédéric n’a pas lâché. Patiemment, il a rappelé l’exigence à Martin, en redonnant du sens, en traitant ses remarques. Mais Frédéric a compris qu’il était trop patient et surtout qu’il s’était trompé de combat en traitant, en « démontant » les justifications de Martin. Maintenant, il en est sûr, Martin teste très inconsciemment son courage managérial. En effet, Martin est un garçon intelligent et il est le premier à ne pas croire une demi-seconde à ses justifications pour légitimer l’absence des chaussures de sécurité. Frédéric s’en veut d’avoir été si naïf ! C’est décidé, la plaisanterie a trop duré, il faut qu’elle cesse. À la prochaine manifestation de « baronnite aigüe » du Sieur Martin, Frédéric saura se montrer beaucoup plus incisif. Tous les collaborateurs ont besoin de respecter leur boss. Certains le respecteront parce qu’il est bienveillant, d’autres parce qu’il est  pédagogique, d’autres encore parce qu’il est réactif. Martin respecte son patron quand il est courageux et cohérent. Donc, il vient le « chercher » sur un sujet de sécurité non négociable. Martin a besoin d’être rassuré, Frédéric a décidé qu’il ne serait pas déçu dans sa quête.
 
    Frédéric n’a pas eu à attendre longtemps…
 
    Vendredi 04h05 du matin. Tous les préparateurs sont présents, un vrai soulagement. Frédéric aperçoit Martin au fond de l’entrepôt… Œil de lynx, il voit immédiatement qu’il ne porte pas ses chaussures de sécurité. C’était facile,  Martin l’a un peu aidé : les chaussures de sécurité sont noires. Jusqu’à présent, lorsque Martin s‘en dispensait, il portait des chaussures montantes sombres. De loin, ça pouvait faire illusion…Ce matin, Martin est chaussé d’Adidas Superstar blanches immaculées. A 25 mètres, leur blancheur éblouit les yeux encore un peu fermés de Frédéric. Manifestement, Martin a vraiment besoin d’un recadrage en règle, pas d’une leçon de morale, ni d’une agression verbale, juste un recadrage responsabilisant. Frédéric est préparé. Ça ne va pas saigner… ça va juste manager comme il le faut pour un collaborateur hors-jeu, aussi habile soit-il….en préparation de commandes autant qu’en provocation.
 
     Frédéric s’approche de Martin très calmement et à voix presque basse, lui dit : « Salut Martin, tu arrêtes ce que tu es en train de faire et tu vas m’attendre en salle de réunion, je te rejoins dans cinq minutes. »
    Martin : « Pourquoi ? »
    Frédéric : « Pour affaire te concernant ». Puis en s’éloignant : « A tout de suite en salle de réunion ».
 
    Lorsque Frédéric arrive à proximité de la salle de réunion, il aperçoit Martin à travers la cloison vitrée. Il est assis, mâchouillant ostensiblement un Malabar rose fluo, avec lequel il s’amuse à faire des bulles immenses. Frédéric est impressionné par ce talent qu’il ne connaissait pas à Martin mais il ne lui en parlera pas. Aujourd’hui, c’est hors sujet. On ne mélange pas un acte d’autorité avec une valorisation sur un sujet aussi essentiel que les bulles de Malabar !
 
    Frédéric entre dans la salle de réunion et s’assoit à proximité de Martin : « Martin, si je t’ai demandé de venir m’attendre dans la salle de réunion, c’est pour te faire part de mon observation. Tu ne portes pas tes chaussures de sécurité. C’est la quatrième fois que l’on se voit en moins de 5 semaines à ce sujet ».
   
    Le constat a été énoncé sans aucune colère.
 
    Martin aime se défendre et il ne se gêne pas pour le faire. Les justifications maintes fois énoncées sont reprises avec encore plus de force. Mais Frédéric ne réagit pas. Il écoute comme on se doit d’écouter la plaidoirie d’un avocat durant un procès. Sauf s’il dérape sur la forme, l’avocat a le droit de s’exprimer sans être interrompu. Frédéric écoute patiemment sans signe de distraction pour ne pas être accusé par Martin de « s’en foutre ». Il écoute passivement : il n’interrompt pas, ne relance pas, ne questionne pas…ne prend pas de note.
    Dix minutes sont passées. Martin a chanté plusieurs fois ses justifications. D’abord un extrait du 45 tours, puis le 45 tours en entier, la version maxi et enfin la version extended  « special Ibiza night dance floor ».
 
    Frédéric n’accorde aucune importance à ce qu’a dit Martin. D’abord, parce que tout avait déjà été dit dans les entretiens précédents et surtout parce que Martin ne communiquait que pour expliquer qu’il avait raison. Frédéric, expérimenté, attendait patiemment que la logorrhée verbale de Martin s’assèche. Frédéric savait que pour être écouté sur le sujet qui le préoccupait – la légitimité de Martin dans l’entreprise -, il fallait qu’il gagne la disponibilité de son ouïe et de sa mémoire. Son ambition n’était pas d’atteindre son intelligence mais juste de graver sur son disque dur les propos qu’il avait préparés minutieusement. L’écoute passive des arguments de Martin était le prix à payer pour ensuite pouvoir lui parler sans être interrompu.
 
    Frédéric était décidé à faire comprendre à Martin que si ses hors-jeux étaient en plâtre, la détermination de l’entreprise à faire respecter les exigences non-négociables était en béton armé. Tôt ou tard, Martin, s’il récidivait, ne bénéficierait plus du matelas protecteur posé par l’entreprise sur le mur en béton pour qu’il ne se fasse pas trop mal.
 
            - Martin, écoute-moi attentivement et jusqu’au bout. J’ai très peu de chose à te dire et je ne les dirai qu’une fois. Cinq semaines et quatrième entretien pour évoquer le même sujet. Je te fais part de mon extrême inquiétude quant à la possibilité que nous puissions continuer à travailler ensemble. »
 
    Frédéric sait que dans ces cas-là, le silence vaut tout autant que les paroles. Aussi, après avoir dit l’enjeu de sa démarche, il s’arrête, silencieux, en fixant Martin dans les yeux. Interminable ! Pas pour Frédéric, qui s’y est préparé, mais pour Martin qui le subit. Aucun sadisme de la part de Frédéric, juste une mise en scène pour aider Martin à comprendre la gravité de l’instant. Frédéric se force à garder le visage le plus neutre, le plus froid, le moins expressif possible. Il ne veut donner aucune accroche à Martin,  juste le laisser « faire un peu d’huile ».
 
            - De mon côté, j’aimerais poursuivre la collaboration avec toi sous certaines conditions. L’une d’elle est piétinée : la confiance. Pour moi avoir confiance en toi, c’est être certain que, que je sois présent ou absent, tu appliques les gestes fondamentaux. Cette confiance aujourd’hui est à son niveau minimum. Que mon rôle soit de contrôler, oui bien sûr, mais en aucun cas  de me transformer en caméra 24/24 !
    Voilà ce qui va se passer : tu ne vas pas reprendre ton poste et dans 10 minutes tu auras quitté l’entreprise et ta journée te sera payée. Demain, tu termines à 17h00, je te donne rendez-vous demain à 16h55. Et là, je te poserai une seule question à laquelle tu n’auras que deux possibilités de réponse : « oui » ou « non ». La question, la voici : Martin, est-ce que « oui » ou « non », tu t’engages à appliquer les fondamentaux de cette entreprise et de ton métier, que je sois présent ou absent. Deux possibilités : demain, tu es calme, tu me laisses te poser la question et tu me réponds « oui ». Ce sera parfait. Mais sache que si ton « oui » n’est pas incarné parfaitement dans les faits, je te reverrai mais pour te ramener parmi nous. La deuxième possibilité, ce sont toutes les autres situations et je saurai les traduire par « non »: tu viens en retard, tu ne me laisses pas te poser la question, tu réponds « J’ai pas l’choix » « Si ça t’fait plaisir », tu ne te présentes pas… Ou, plus simplement, tu réponds « non ».
 
    Martin rougissait, il semblait avoir chaud dans cette salle de réunion pas chauffée. Probablement aurait-il eu froid si elle l’avait été à 25 degrés. On ne se sent jamais bien lorsqu’on est recadré légitimement et avec respect.
 
    Frédéric sentit que Martin voulait s’exprimer, alors il se tut.
 
             -  Si demain je réponds « non » à ta question que se passera-t-il ? » L’intonation pouvait laisser penser que Martin crânait. Mais Frédéric ne s’y trompait pas. Martin flippait et il voulait connaître les conséquences d’une rébellion.
             -  Je ferai ce qu’un manager doit faire lorsqu’un de ses collaborateurs s’oppose en faits et en paroles à une exigence absolue, mais je n’anticipe pas ce que je ne désire pas. Car mon désir, c’est de poursuivre avec toi, mais pas dans n’importe quelle condition ! 
- Tu ne me vireras jamais ! De toute façon j’irai au prud’homme. Et en plus, vous ne pouvez pas vous passer de moi.
-  Martin, si un jour nous jugeons qu’il est nécessaire de se séparer d’un collaborateur, nous le ferons du mieux possible. S’il décide de nous poursuivre au prud’homme, il est parfaitement libre de le faire. Lorsque nous pensons être justes sur le fond et la forme, nous ne craignons pas les décisions des tribunaux. Et même si nous étions condamnés à payer des dommages et intérêts, nous savons que le montant sera toujours moins important que ce que coûte un collaborateur hors-jeu dans l’entreprise. 
    Sans toi la journée va être plus difficile, mais nous ne prenons pas le risque d’un accident pour une performance court terme. On ne va pas hypothéquer l’avenir de l’entreprise pour éviter une journée de galère. Ce serait un calcul lâche. Martin, le sujet n’est pas le licenciement mais ton positionnement. En fonction de celui-ci, nous ferons ce que nous devons faire. Chacun son job et ses responsabilités.  »
              -  Rien à foutre, demain je répondrai « non » à ta question à deux balles.
             -  Ok Martin. J’entends, mais je ne mémorise pas. Demain en revanche, je prendrai ta réponse comme étant définitive. Bonne réflexion.
 
    Frédéric quitta la pièce en laissant Martin. Comme il l’avait prévu, il n’avait pas atteint l’intelligence de Martin. Toutes ses réactions immatures en étaient la preuve irréfutable. Martin, habituellement fin d’esprit s’était transformé en sumo durant l’entretien. Frédéric sait que rien ne vaut un nuit d’insomnie pour remettre un peu de bon sens dans un cerveau momentanément en vrille.
    Quelques minutes plus tard, le temps de reprendre un peu de constance, Martin quitta discrètement la salle de réunion puis l’entreprise.
 
    Il n’était que 4h20 du matin. Martin ne voulait pas rentrer chez lui. Surtout, il ne le pouvait pas car sa femme lui demanderait des explications. Et ça, il n’y tenait pas du tout du tout du tout ! Alors, il resta dans sa voiture à écouter en boucle les journaux de France Info. Son esprit était tellement préoccupé par les évènements de son monde qu’il n’entendait, ni ne retenait les évènements du monde répétés en boucle par les journalistes…
    En fin de matinée, il décida d’aller s’enfermer dans une salle de cinéma. Il prit un billet pour le premier film programmé.  À 14h00 enfin, il rentra chez lui comme si de rien n’était. Martin oubliait juste une chose. La femme qui partageait sa vie depuis plus de 20 ans n’était pas une lapine de six semaines :
-          Ça ne va pas Martin ? 
-          Si si, ça va très bien ! », répondit Martin agressivement.
            -   Ok…donc ça ne va pas. Que se passe-t-il ? C’est au boulot ? 
    Dans les grandes lignes Martin expliqua la situation à sa femme, qui intelligemment se contenta de l’écouter. Il omit quelques détails dont il n’était pas très fier comme sa journée en voiture et au cinéma. En revanche, il prit son temps pour expliquer à sa femme que si on cherchait le manager le plus con in the world, il fallait arrêter les recherches. Frédéric méritait la palme bien loin devant son outsider.
            -   Martin ? Que vas-tu faire demain ? 
            -  Demain ? J’suis pas une fiote ! Je vais lui dire non, droit dans les yeux. Y m’fait pas peur, ce minable. En plus j’ai l’âge d’être son père ! 
            -  Martin…fais pas de conneries !
 
    Martin ne dormit pas. Sa journée de travail, le samedi, commençait à 8h00. Il arriva, chaussé de ses chaussures de sécurité, à 07h30. Lorsqu’il vit Frédéric garer sa moto, il se précipita vers lui :
-  Frédéric, j’ai besoin de te voir.
            - Tu me laisses deux minutes. Le temps de saluer les personnes présentes. Tu me rejoins dans mon bureau à moins le quart.
    Après un quart d’heure d’attente interminable, Martin frappa à la porte du bureau de Frédéric, qui lui fit signe d’entrer en se levant pour l’accueillir.
            -  Assieds-toi, Martin. Je t’écoute. 
             - La réponse est « oui ». J’arrête de jouer au con.
             - Martin, pour ce sujet très important, nous avons rendez-vous à 16h55 car je veux que tu profites vraiment de ton délai de réflexion.
 
    Martin aurait tellement aimé que Frédéric accepte son « oui » ! Un besoin vital de se sentir léger, libre et en sécurité. Avec son « oui » dans sa poche et non pas dans celle de Frédéric, Martin se sentait comme un petit garçon.
 
    16h55. Enfin ! Martin frappe à la porte de Frédéric, qui vient lui ouvrir. Manifestement, Frédéric ne veut pas perdre son temps ; il reste debout.
            - Martin, désires-tu continuer à travailler dans ce service en respectant les consignes fondamentales ? Oui ou non ?
            - Oui.
            - Martin, si ton oui ne s’incarne pas durablement dans tes actes, je saurai interpréter la situation et en tirer les conséquences. Je ne te reverrai pas une fois de plus. Bonne soirée. 
 
 Frédéric a ouvert la porte. Martin est sorti.
 
    Deux ans ont passé, Martin n’a plus franchi la ligne. Lors de son dernier entretien annuel d’évaluation, Frédéric lui a proposé une mission complémentaire : l’accueil des intérimaires, des CDD et des nouveaux embauchés. Martin a accepté. Chaque mois, il anime une causerie sur le thème de la sécurité :
            - J’vous préviens, ici on joue pas au con avec la sécurité. Alors, c’que j’vais vous montrer, y’a pas à s’poser d’question, on l’fait tout le temps. Sinon, ça va dégager !
 
    Martin manque sans doute d’un peu de pédagogie dans l’art de passer les messages… Mais les messages semblent bien passer quand même !
 
    Et nous, avons-nous réfléchi à la manière dont nous pourrions gérer un collaborateur comme Martin ? Sommes-nous prêts à envisager l’exclusion lorsque, par des comportements hors-jeu à répétition, un collaborateur dégrade la performance et la cohésion de l’entreprise ? Sommes-nous toujours conscients du pouvoir d’attraction, pour certains collaborateurs, d’un « baron » qui a réussi à imposer ses règles à l’entreprise ? Sommes-nous pétris d’une certitude : exclure l’exclusion est la meilleure manière de fabriquer nos barons, envisager l’exclusion est le meilleur moyen de ne pas les créer ?
 
    Et vous, qu’en pensez-vous ?
 
   Margaux prend quelques secondes avant de répondre : « Non, non, ne t’inquiète pas, ça devrait aller ».
 
   Estelle n’aime ni le silence entre sa question et la réponse de Margaux, ni son « non, non » qu’elle comprend plus comme un « non…sauf si… ». Elle déteste aussi l’emploi du conditionnel qui n’est pas le temps utilisé lorsqu’on est décidé à ne pas laisser l’espace d’une feuille de papier cigarette entre nos intentions et nos actes…
 
   Si elle en avait la possibilité, Estelle mettrait tout en œuvre pour empêcher le départ de Margaux…mais aucune idée ne se présente à elle pour l’annuler. Alors, elle dépose Margaux, en essayant de faire bonne figure devant ses collègues et en se montrant particulièrement proche et amoureuse pour envoyer clairement le message : « Pas touche, elle est à moi ! ».
« J’espère que ces pimbêches ne sont pas seulement des expertes du langage HTML mais décodent aussi le langage des signes et qu’elles ont un soupçon de moralité », pense-t-elle.
   Puis elle regagne sa voiture, assez pessimiste quant à la nature humaine.
 
   Le vendredi soir, Estelle arrive très en avance à l’aéroport pour accueillir Margaux. Très en avance, et très très anxieuse. Durant la semaine, elle a tenté de la joindre régulièrement…en se canalisant pour ne pas paraître trop insistante. La messagerie de Margaux s’est montrée beaucoup plus disponible que sa propriétaire… Alors, Estelle a laissé des messages qu’elle espérait guillerets. Deux fois, Margaux a rappelé et justifié son indisponibilité par un réseau capricieux : « Ça doit venir de l’opérateur espagnol », et par des journées durant lesquelles « Finalement on bosse pas mal, en fait », ce qui permettait d’écourter la conversation.
 
   Après une heure d’attente angoissée, Margaux apparaît enfin… Regard éteint, traits tirés, démarche mollassonne…Sa valise, si légère au départ, semble avoir pris du poids tant Margaux peine à la trainer. La semaine a dû être bien remplie…De travail…ou plus probablement de tequila et boîte de nuit.  Très longues nuits, sûrement…
 
   Estelle accueille Margaux avec un sourire inquiet. Elle fait tout son possible pour sembler naturelle devant le groupe et rire aux réflexions des unes, aux anecdotes des autres.
 
   Dans la voiture, et après avoir pris quelques nouvelles, Estelle ne résiste pas : « Margaux, tu as été sage ? »
 Incapable de mentir, Margaux se contente de répondre, en tournant la tête vers l’extérieur : « Oui, oui…globalement … ».
 
   La discussion qui suivit leur appartient…
 
   À ce jour, nous ne savons pas si le couple Estelle/Margaux existe toujours.
 
   Qui d’entre nous, dans un contexte équivalent, passionnément amoureux et investi dans la relation, n’aurait pas compris le sens caché d’un « Oui, oui ça devrait aller » et plus encore d’un « Oui, oui…globalement » ?
Personne, évidemment !
 
   Mais dans la vie professionnelle, combien de fois laissons-nous passer ces petits mots qui cachent une foultitude d’informations :
      - « Monsieur, je compte sur vous pour m’envoyer le règlement avant vendredi »
      - « Oui, oui pas de souci, vous devriez le recevoir sans problème ».
 
    Et nous raccrochons, contents de l’engagement de notre client et rassurés quant à la réception certaine du chèque.
 
   Et si nous avions creusé un peu, qu’aurions-nous appris ? Essayons :
     - « Je devrais le recevoir ? C’est à dire ? »
     - « Disons qu’avec les grèves, on n’est sûr de rien ! »  ou bien « Il faut que le directeur financier signe le chèque et actuellement, il est rarement là », ou encore « Si la logistique me confirme que la commande reçue est bien conforme à leur demande, alors oui, je vous envoie le chèque ».
 
   Et en management ?
     - « C’est bon pour toi Benoît ? Tout est clair ? »
     - «  Oui, oui… à priori pas de souci »
    - « Génial alors, bon boulot… Je passerai en fin de journée voir comment tu t’en sors »
 
   En fin de journée, lors de son passage, le manager constatera que Benoît est bloqué dans les starting-blocks :
       - « Benoît, ça n’avance pas très vite ! Que se passe-t-il ? »
       - « Ben, je galère parce que je ne maîtrise pas PowerPoint. D’habitude, je travaille avec Word ! »
 
   Naturellement, nous trouverons le temps de faire ce que nous aurions fait si nous avions eu l’information plus tôt…Avec trois heures de perdues et probablement un échange pas très agréable avec Benoît :
       - « Mais tu ne pouvais pas me le dire plus tôt ? »
       - « Facile à dire, t’es toujours à la bourre ! »
       - « Toujours est-il qu’on vient de perdre une journée ! » etc, etc…
 
   On rembobine la bande et on se retrouve huit heures plus tôt :
       - « C’est bon pour toi Benoît ? Tout est clair ? »
       - « Oui, oui… à priori pas de souci »
       - « A priori, c’est à dire ? »
       - « Ben ouais, euh…à priori si PowerPoint est assez intuitif car je n’ai jamais utilisé ce logiciel ».
 
   Que serait-il advenu si nous avions relancé ces réponses dissonantes ? Nous serions passés de situations obscures à des situations plus éclairées, nous permettant ainsi de mieux les gérer.
 
   Écouter vraiment nécessite une discipline et un peu d’observation.
   Une discipline pour ne pas interrompre celui qui s’exprime et de l’observation pour repérer les dissonances verbales.
    En les relançant, nous gagnerons beaucoup de temps en sécurisant, précisant, modifiant une consigne, un plan d’action, une attente client…
   Parfois nous serons embarrassés, découvrant une situation compliquée et difficile à résoudre. Mais il vaut mieux la mettre le plus vite possible à jour et pouvoir la gérer avant qu’elle ne devienne encore plus compliquée !
 
Et vous, qu’en pensez-vous ?
 
Pan !
 
   Déséquilibré, mais situation rétablie… Je ne suis pas tombé ! C’est encore une énigme digne de figurer au générique du classement des « 20 plus grands mystères » sur TMC.
   Le bruit, claquant, est venu de l’aspirateur. Une semi-obscurité a suivi, résultante du disjoncteur qui a fait son travail.
 
   Vélocement mais prudemment, je descends de mon perchoir pour m’approcher de l’aspirateur, autour duquel je devine un nuage de fumée…Ce n’est pas l’Eyjafjallajökull(1). , mais quand même ! Le nuage est sonore…Kof kof…Kof kof… Ah ben, non ! Ce n’est pas un nuage parlant, mais Marie qui essaie de survivre à l’invasion brutale des fines particules de poussières dans ses narines, sa gorge et ses poumons presque sains depuis qu’elle a arrêté de fumer, il y a 17 ans. Son regard belliqueux croise le mien et je décrypte que contrairement à ce que je pensais, j’étais beaucoup plus en sécurité dix secondes avant à quatre mètres de haut sur les 25 cm2 du plateau maculé de peinture rose, bleue, blanche, rouge, taupe… de l’escabeau, que sur la moquette des acariens, à un mètre de Marie, légitimement furax.
 
    - Sombre abruti ! Je t’avais dit de jeter cette antiquité mortelle et d’aller acheter un aspirateur qui ne soit pas une menace probable pour la famille et plus encore pour celle qui l’utilise. Mais non, Môssieur a voulu bricoler et s’improviser réparateur d’aspirateur. « Ça doit pas être sorcier, tu vas voir, je vais le réparer et il repartira pour 20 ans ! Laisse faire MacGyver, j’ai trouvé des morceaux de fil électrique, j’arrange le bazar en aussi peu de temps qu’il le faut à nos enfants pour torpiller le frigo.
 
   J’ai piteusement plaidé coupable et promis d’aller acheter un aspirateur top classe, dans « la semaine au plus tard...promis ma puce ». « Si je mens, je vais chez ta mère » avais-je eu envie de rajouter, mais un fulgurant discernement m’avait permis de conclure que cette boutade n’était pas appropriée au contexte.
 
   C’est dingue comme une semaine passe vite quand on a une corvée à accomplir et qu’on la remet chaque jour au lendemain !
 
   Samedi matin, je me déguise en adulte responsable et j’entreprends courageusement d’aller acheter l’aspirateur promis.
   J’ai décidé de me rendre dès 9H00 chez « Pâtissier », chaîne incontournable de l’équipement de la maison, pour me débarrasser au plus vite de cette épreuve, en évitant la cohue. J’ai du bol, le magasin est presque désert et le rayon des aspirateurs est le premier en entrant. Incroyable ! Il y en a de toutes formes, couleurs et prix… Pas moins de 80 modèles. J’en ai presque le vertige, comme lorsque j’étais perché sur mon escabeau. La dernière fois que j’avais vécu une semblable situation, c’était 18 ans plus tôt, lorsque j’avais dû aller acheter des couches pour ma fille, avant qu’on ne la ramène de la maternité.
 
   Immédiatement, je sens mon impuissance et mon incapacité à me sortir seul de ce traquenard. Heureusement, un vendeur est en vue, derrière sa console, tapant frénétiquement sur le clavier de son ordinateur. Je me dirige vers mon sauveteur d’un pas décidé et volontairement appuyé. Entendant les bruits de mes pas sur le faux parquet en plastique, l’homme à la veste sans manches orange et au badge « Guillaume à votre service ! » lève la tête.
 
    -  Bonjour Monsieur, vous êtes mon sauveur, j’ai besoin de vous…Il me faut un aspirateur et j’aimerais le…
 
   Pas le temps de terminer ma phrase, Guillaume m’interrompt : « J’ai ce qu’il vous faut ! » déclare-t-il en souriant.
   Intérieurement, je reformule son propos : « Nous avons plus de 80 références, nous allons certainement trouver aspirateur à votre main. Permettez-moi de vous poser quelques questions pour discerner le modèle le plus approprié à votre usage ».
   Raté, manqué, hors-cible, au-dessus de la transversale, hors- cadre… Je me suis planté !
   Il poursuit, avec une sentence que Denis Brogniart qualifierait « d’irrévocable ». Non susceptible d’appel. Définitive. Gravée dans le marbre : «  C’est celui-ci qu’il vous faut ! » déclame-t-il en s’approchant d’un modèle bleu argenté. 
 
   Je suis ravi, l’opération « achat aspirateur » va être rondement menée, mais aussi et surtout admiratif de son don ! En me regardant un quart de dixième de seconde, il m’a lu aussi facilement que si mon front était la devanture lumineuse de l’OLYMPIA, avec écrit en lettres rouges de 50 centimètres : XBM 145 Ronento Tornado !
   Madame Irma a du souci à se faire…Guillaume va gagner beaucoup d’argent en se produisant dans les music-halls du monde entier. Je lui dirai, dès que notre affaire sera réglée.
   Et il poursuit : « Moteur quatre cylindres V8 activé par mousse expansive bio, origine Suisse helvétique, carrosserie en polycarbonate 7 millimètres, le même que celui utilisé par la NASA pour les casques des astronautes, résistant à une pression au millimètre carré de 5 bars soit l’équivalent du poids de 17 éléphants et une baleine bleue, vitesse de rotation de 179 km/h sur le programme 1, 218 pour le programme 2 et tenez-vous bien, 267 km/h pour le programme 3. Plus rapide que le TGV ! À cette vitesse, la poussière est aspirée aussi rapidement qu’une balle projetée par une carabine … ».
   Durant une seconde, j’ai espéré l’entendre dire à la manière des Inconnus et en caressant la bestiole : « Il existe en jaune de Damas, j’ai le même à la maison ».
   Mais non ! Il a enfin terminé. Je suis un peu déçu.
 
   Deux minutes vingt-huit secondes ! Sans reprendre sa respiration. En plus d’une carrière de devin, Guillaume sera retenu sans aucun doute pour le Grand Bleu 2. Il est épuisé, presque haletant… Je m’inquiète pour sa récupération, mais à tort. Il enchaîne avec un immense sourire : « C’est bon, vous le prenez ? ».
   J’apprécie son courage pour conclure sa vente. Il évite le ô combien désastreux « Je vous laisse réfléchir » que les prospects reçoivent de manière subliminale comme « Barrez-vous, barrez-vous tant qu’il est encore temps. L’aspirateur est 25% moins cher sur Internet ! Et en plus, notre SAV est désastreux ».
 
   Eh bien non, je ne le prends pas…À moins que…À moins que…Dans mon cerveau tordu est en train de naître une petite vengeance bien innocente. Il m’a soûlé de paroles, de caractéristiques techniques auxquelles je n’ai rien compris. À mon tour …
 
   -  On peut dire que vous connaissez vos produits. Bravo, vous m’avez soû… impressionné. Vais-je l’acquérir, me demandez-vous ? Oui si… Si vous êtes capable de répondre à la moitié des questions que je vais vous poser. 
 
  -  C’est un jeu ? Vous êtes marrant, vous. Genre « Questions pour un champion » ou des trucs de vieux comme ça ? Vous savez, rapport à la culture gé, c’est pas mon fort. Mais je suis joueur, allez on y va, pour une fois qu’il y a un client marrant ! 
 
   Client ? Tu es optimiste, Guillaume. Pour le moment, simple prospect.
 
  -  Allez, je pose toutes les questions aussi vite que vous m’avez déballé votre argumentaire et ensuite je vous laisse le temps de répondre. Prêt ?
 
 -  Banco ! 
 
-  C’est parti ! Je vis dans un appartement ou une maison ? Si c’est une maison, plain-pied ou à étage ? Le sol : moquette, carrelage, parquet ancien, lino…Un peu de tout ? Un jardin, pas de jardin ? Si jardin, devant la porte d’entrée, c’est de la terre, de la pelouse, du gravier, du macadam ? Cet aspirateur, je veux l’acheter pour en avoir un de plus ou pour remplacer celui que j’utilise actuellement ? À moins que ce ne soit pour combler un manque ? Et d’ailleurs celui que j’utilise actuellement, c’est quelle marque ? En suis-je satisfait ou pas ? Qui passe l’aspirateur chez moi ? Ma femme, l’un de mes trois enfants, les trois, moi, tout le monde ? Ai-je une préférence pour certains critères : sac/sans sac ? Couleur ? Quel budget j’envisage d’investir dans cet achat ? 
 
   Durant ma litanie, l’expression du visage de Guillaume est passée de souriante à dubitative, de dubitative à incrédule, d’incrédule à interrogative, d’interrogative à déstabilisée, pour terminer par une expression qui à ce jour ne figure dans aucun catalogue …
 
   Guillaume a eu besoin de plus de temps cette fois-ci pour récupérer. Après dix bonnes secondes, il a balbutié : « Comment voulez-vous que je sache tout ça ? »
 
   -  En me le demandant Guillaume, en me le demandant, lui ai-je répondu avec un sourire que je voulais bienveillant. Bon, vous l’avez en noir votre aspirateur de compétition ? 
 
   Le noir était disponible. Je l’ai acheté. Non pas pour faire plaisir à Guillaume, mais parce que la plaisanterie avait assez duré et que je ne m’imaginais pas rentrer les mains vides face à Marie.
 
   Guillaume a eu de la chance. Cette fois-ci ! Tant mieux, il était vraiment sympa.
 
   Mais nous, vendeurs, combien de ventes manquons-nous car nous pensons connaître nos clients et savoir pour eux ce qu’ils veulent ? Trop souvent, nous les abordons sans leur offrir un temps d’écoute, pour cerner leur besoin, leur motivation, leur chemin tabou…L’écoute est essentielle pour connaître le monde de notre client et donc pour faire des proposions pertinentes.     Combien de fois ne prenons-nous pas le temps de poser des questions pour avoir une précision sur un sujet juste effleuré par le prospect ou parfois même omis, avec le risque de proposer une solution, un service, un produit parfaitement décalé avec le désir du client. Et donc, de recevoir en retour un « non » poli, pas toujours définitif, mais inutile et rendant la poursuite de la vente plus complexe.
   Et quand bien même nous aurions un don de divination avéré, écouter un client initialement, c’est aussi le reconnaître et lui donner à son tour l’envie de nous écouter lorsqu’il sera temps pour nous de lui dire : « Parfait, au regard des éléments que vous m’avez fournis, j’ai deux propositions à vous faire ». L’écoute lui donnera aussi l’énergie d’envisager un itinéraire bis lorsque nous ne serons pas en mesure de lui proposer au millimètre ce qu’il recherche : une caractéristique absente, une puissance suffisante mais un peu en deçà de son envie, un délai de livraison plus long que ce qu’il espérait, un prix plus élevé que le budget annoncé...
 
 
   Et vous, qu’en pensez-vous ?
   Bonnes réflexions.
 
 
(1) Volcan islandais dont l'éternuement a provoqué un sacré bazar durant quelques semaines notamment dans le trafic aérien.19 octobre !

    Bonnes réflexions.Habituellement, Margaux prépare sa valise le dimanche soir avec beaucoup moins d’entrain. Plusieurs fois dans l’année, son poste de directrice informatique l’oblige à passer une semaine dans les filiales du groupe. Pour être d’attaque le lundi matin à 9H00, un départ la veille s’impose. Curieusement, ce dimanche, Margaux prépare sa valise avec légèreté et légèrement… D’habitude, lors de ses départs, sa petite amie, Estelle, doit secouer Margaux pour qu’elle se prépare …Et systématiquement, elles partent en retard en direction de la gare, Estelle se contentant d’un rapide baiser, avant que Margaux ne descende de la voiture arrêtée en double file, récupère sa valise et coure comme une kényane pour ne pas manquer son train. Mais ce dimanche, Margaux est très en avance. Ce départ, ce n’est ni pour la gare, ni pour le travail mais pour l’aéroport et Ibiza. Cette semaine en Espagne n’a pas pour objectif de fiabiliser le système informatique d’une nouvelle filiale, mais de fêter une année exceptionnelle pour cette start-up, créée il y a huit ans. Pour fêter l’explosion du chiffre d’affaires, la direction a su se montrer généreuse : une semaine à Ibiza pour les 55 collaborateurs ! « Open bar every day and night during all the trip ! » précisait le mail d’invitation. Estelle n’adore pas l’idée de savoir Margaux une semaine à Ibiza sans elle. Bien sûr, elle lui fait totalement confiance, mais lors de dîners auxquels les conjoints ont été conviés, Estelle a remarqué que les employés de Topinformat répondaient très majoritairement à ce portrait-robot : femme, entre 25 et 35 ans, sportive, drôle et très célibataire … et plutôt libérée, à en croire les récits que les unes et les autres ont racontés. Alors, oui…Estelle s’inquiète. Margaux semble pressée de commencer cette semaine de réjouissances et les 54 participantes lui semblent être autant de tentatrices potentielles auxquelles résister pourrait être difficile. Durant le trajet en voiture, elle ne peut s’empêcher de lui poser la question qui trahit son angoisse : « Margaux…pas de bêtise, hein ? »

Bonnes réflexions.Je ne pouvais plus y échapper. Je m’étais engagé à le faire « dans la semaine au plus tard, promis ma puce ». Ce samedi matin, c’était activité « grand ménage » à la maison. Marie passait l’aspirateur, nos enfants… Je ne me souviens plus mais sans aucun doute possible étaient-ils surinvestis dans une tâche essentielle. De mon côté, j’étais perché, pas très fier, en équilibre précaire sur le plateau de mon escabeau en bois, tentant de nettoyer les impostes vitrées des portes à plus de 4 mètres de haut.