Comme le veut la tradition, à
quelques jours de Noël, je t’envoie ma lettre. Je m’appelle Rémi*, j’ai 46 ans, je suis
gentil et je dirige une petite entreprise. Je pense que j’ai été plutôt un bon patron
cette année, et un gestionnaire responsable. D’ailleurs, les résultats
honorables en attestent.
Pourtant, j’aimerais bien que tu exauces
certains de mes vœux pour que mon entreprise fonctionne encore mieux. Pour commencer, je voudrais des
collaborateurs totalement autonomes : pas besoin de leur expliquer le travail, nulle
nécessité de contrôler la bonne exécution de mes consignes, inutile de vérifier
leur assiduité, pas plus que leur rigueur sur l’application des fondamentaux…Toujours
motivés et impliqués, jamais râleurs et encore moins revendicatifs.
Ensuite, j’aimerais bien avoir des commerciaux
super performants : toujours sur le terrain, aussi accrocheurs pour
dénicher des nouveaux clients que pour sécuriser les anciens. Des commerciaux ultraperfectionnés
dotés de l’option : « Convaincants mais pas « grandes
gueules ». Naturellement, je les veux gourmands de chiffres d’affaires et
encore plus de marges, mais ascètes dans leur consommation personnelle d’euros.
Je voudrais bien aussi une assistante
hors-pair. Parfaitement bilingue français/anglais, même si nous n’avons pas
d’interlocuteur anglophone. Ponctuelle, jamais malade ni absente.
Important : ne sachant pas lire l’heure sur sa montre dès lors que sa
journée de travail est terminée pour m’offrir encore et encore quelques heures
précieuses pour lesquelles elle aura le bon goût de ne demander ni compensation
financière, ni crédit- temps. J’aimerais la version « Je suis ton
assistante. Je retiens tout ce que tu me dis mais je sais aussi me
taire ! ». Enfin, elle devra gérer mon agenda au cordeau pour me
laisser du temps libre lorsque j’en ai envie.
Pour terminer, je voudrais des clients
agréables et faciles et qui viennent spontanément frapper à la porte de
mon entreprise. Evidemment, sans exigence démesurée notamment sur les délais,
tolérants sur la qualité, avec un peu de classe – on ne discute pas les
prix…pffff c’est vulgaire !- et payeurs dès le bon de commande signé.
Voilà Père Noël, tu vois, je suis
raisonnable. Presque trois fois rien pour toi ! J’espère que tu pourras réaliser mes
demandes.
Je t’embrasse et pour te remercier je
voulais te faire un joli dessin de mon entreprise mais comme je ne sais pas
dessiner, je ne l’ai pas fait.
Rémi
*Et j’ai une
famille.
Le 25 décembre, Rémi se leva sans
difficulté et plus tôt que les autres jours. Il se précipita dans le salon et
au pied du sapin, un énooorme colis semblait n’attendre que lui. Sur le
colis…une lettre. Rémi, impatient, fut tenté de ne pas lire la lettre…Mais pour
faire plaisir au Père Noël et aussi parce qu’il avait un peu peur de le
contrarier, lui qui voit tout et sait tout, il ouvrit l’enveloppe. Et il lut la
lettre…
« Mon
petit Rémi,
J’ai bien reçu ta lettre. J’ai donc
demandé aux Lutins de contrôler la situation pour valider que tu méritais bien
tes cadeaux. Ils m’ont fait un rapide débriefing (…même chez le Père Noël, on
fait des débrief …) et il semble que tu mérites effectivement les cadeaux que
tu demandes.
Tu trouveras donc dans ce colis, joliment
emballé, tout ce que tu as demandé.
Je te souhaite de vivre de très jolies
fêtes de Noël entouré de ceux qui te sont chers. Je compte sur toi pour
encore être un gentil patron l’année prochaine.
Affectueusement,
Le Père
Noël »
Rémi se précipita sur le colis et
déballa l’un après l’autre les quatre paquets qui le composaient. Voici ce
qu’il découvrit :
·
Pour les collaborateurs : effigie de Mac
Gyver … Peut absolument tout faire avec un bout ficelle, un vieux fil de
fer, un carton de récupération, un reste de chambre à air … Et sans
l’assistance de personne. ·
Pour les commerciaux : une poupée Georges Clooney
… Irrésistible et sachant rester humble. Se bonifie en vieillissant. ·
Pour l’assistante : poupée Barbie … Muette comme
une tombe, pas de contrainte horaire. ·
Pour les clients : Monsieur Patate … Gentil,
corvéable à merci, ne dit jamais non. Se plie en quatre.
A la vue de ses cadeaux, Rémi bouda. Puis
sourit. Et enfin éclata de rire : « J’ai été naïf et le Père Noël
me l’a bien fait comprendre ! La vie en entreprise n’est pas un
jeu et on obtient rarement des succès par chance. Les situations, les
personnes qui m’entourent et moi-même, nous ne sommes jamais tout à fait comme
on voudrait… Et c’est bien cela qui est passionnant. Faire vivre un système
humain qui permet à chacun de progresser pour que mois après mois on puisse
dire : nous qui sommes ordinaires mais déterminés à réussir, nous
réalisons des performances extraordinaires ! Quelle satisfaction de faire
prospérer l’entreprise, grandir ses collaborateurs et réussir les clients par
le levier efficace du management. Et ça, le Père Noël ne l’a pas en stock. Et
c’est tant mieux ! »