Nos
actes ne sont jamais neutres. En ce sens, l’inertie est un acte. L’acte de ne
rien faire. Tous nos actes ont des conséquences. Ils participent à
« tirer » vers le haut notre environnement – nos familles, nos
collaborateurs, notre entreprise, notre pays, la planète - ou vers le bas. Nos actes sont des atomes de
construction ou de destruction. De vie ou de mort. Souvent, nous ne percevons
pas, nous ne voyons pas l’effet de nos actes. « Certains sèment, d’autres
récoltent ». Récemment, un participant rencontré dans un aéroport, me
faisait la confidence suivante :
- Un jour,
j‘étais dans une merde sans nom. Et face à ce qui me semblait insurmontable, la
décision définitive s’échafauda dans mon esprit. Chaque seconde qui passait
était un atome de plus de détermination à en finir. Je broyais mon mal-être
dans un café et devant un expresso que je laissais refroidir. Une personne est
venue s’asseoir à la table à côté de la mienne. Elle m’a souri puis, un peu
hésitante, m’a dit : « Vous avez l’air fatigué. » Puis, elle
s’est tue. Et là, j’ai lâché prise, j’ai tout balancé : mon mal-être, les
épreuves du passé pas digérées, celles du présent qui me fusillaient, celles de
l’avenir que j’imaginais … Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Vingt
minutes. Probablement plus. La personne m’écoutait en souriant. Curieusement, à
aucun moment son sourire ne m’est apparu comme une provocation mais juste comme
une manifestation d’empathie à mon égard. Peut-être même d’un amour pur et
désintéressé. Epuisé par tant de confidences, j’ai enfin cessé mon monologue.
La personne me fixait toujours. Elle semblait prendre son temps. Comme pour
être certaine qu’il n’y avait pas encore quelques gouttes à faire tomber,
restées dans le tonneau d’eau sale et croupie de mon malaise. Je reprenais mon
souffle, un peu sonné, presque ivre. Et pourtant seul un expresso trônait sur
ma table. Puis elle m’a posé une question : « Y-a-t-il des gens qui
vous aiment ? ». Je ne suis pas du genre à verser ma larme devant «
La petite maison dans la prairie » ou « le cercle des poètes
disparus ». On me dit plutôt solide. Ceux qui me connaissent mal me
perçoivent même comme insensible. Badaud de moi-même, j’ai senti mes yeux se remplir
de larmes que je n’ai pas su retenir. Ce jour-là, j’ai expérimenté ce que
m’avait dit un ami qui venait de vivre un deuil difficile : « Les
larmes chassent le chagrin mais pas la peine. Mais c’est déjà pas mal. »
En suffocant, j’ai répondu un « oui, il y a des gens qui m’aiment » à
peine audible. La personne s’est levée, a remis son manteau, et m’a salué en
ajoutant : « Pour eux, vivez. Ils ont besoin de vous ». Pas une
fois, elle n’a tenté de minimiser ce que je vivais, de m’aider à relativiser, de
parler d’elle. Ce jour-là, en 20 minutes, un sourire, une question et une demande,
elle m’a sauvé la vie. Elle ne le sait pas, elle ne le saura jamais. Je serais même
incapable de la reconnaître si un jour je devais la croiser. Quels actes dérisoires
a-t-elle posés ce jour-là ? Un peu
de temps, un sourire, une bonne écoute. Pour quel résultat ? Une vie … ma
vie ! ».
Chaque semaine, je rencontre des managés
qui me témoignent de l’impact positif qu’a pu avoir sur eux un bel acte de management.
Par ces actes, ils se savent appréciés, reconnus, estimés. Ils perçoivent qu’il
n’est pas nécessaire d’être parfait pour avoir de la dignité, de la valeur. A
travers ces actes de management, ils l’ont compris. Ils ont davantage envie de
s’impliquer pour le projet de l’entreprise et aussi pour le manager. Les militaires le
savent bien… On s’engage pour défendre la patrie … Mais sur le front, on ne
recule pas, uniquement si le manager militaire le mérite.
Aujourd’hui, j’ai donc envie de dire merci.
Merci à ces managers pour ces actes de management.
Merci
à Nicolas pour le temps passé avec Géraldine lors de son intégration après douze
années d’inactivité professionnelle.
Merci à Françoise pour le recadrage sans concession de Jérôme lorsqu’il
a osé en réunion une plaisanterie plus que douteuse … Recadrage qui lui a
permis de ne pas se mettre en danger et de toujours faire partie des effectifs.
Merci à Géraldine, chef comptable, qui n’a
pas hésité à faire part à Paul des compliments faits par le directeur général à la lecture d’un dossier sur lequel il s’était
particulièrement investi…Mais aussi d’avoir informé le directeur général que
contrairement à ce qu’il pensait, le dossier n’avait pas été géré par elle,
mais par Paul.
Merci à Gérard, commissaire de police, d’avoir
offert à son commandant de répondre à une interview d’un journaliste d’Europe 1
… alors qu’il mourait d’envie d’y répondre lui-même.
Merci à Stéphane, manager dans l’industrie
alimentaire, d’avoir lors de son arrivée dans l’entreprise, avoué son ignorance
à ses nouveaux managés sur une partie de leur mission et de s’être laissé
former comme un disciple…
Merci à Estelle, 27 ans, d’avoir considéré
qu’en acceptant de manager une équipe, elle était responsable de ne pas oublier
de fêter les 30 ans de présence dans l’entreprise de Bernard…à la grande
surprise et joie de celui-ci en arrivant un matin, accueilli par l’ensemble du
personnel dans le réfectoire autour d’un petit- déjeuner.
Merci
à tous les autres …
Et
nous, qui pour certains sommes des managers, d’autres pas mais très
majoritairement des managés, pensons-nous à leur dire
« Merci » ? « Merci pour…. »
Ou
bien, considérons-nous que le temps que nous accordent nos managers, les
encouragements qu’ils nous prodiguent, les accompagnements sur le terrain
qu’ils organisent, les informations qu’ils se donnent la peine de nous
transmettre … tout ça n’est qu’une dette qu’ils nous payent ? Après tout,
c’est leur job, ils sont payés pour ça ! Sommes-nous parfois seulement
dans l’absence de retour, l’ingratitude, le doigt pointé sur le détail qui
cloche : « Chef, on t’avait demandé de faire une réunion
d’information une fois par semestre. T’as même pas organisé un coup à boire et
dix jours après, je ne vois toujours pas venir le compte-rendu ! ». Si
nous avons le sentiment de parfois manquer à leur égard de justice, il est
temps de leur signifier que nous voyons et apprécions ce qu’ils font pour nous
sans poursuivre par un « mais… »
Et
vous, qu’en pensez-vous ?
Bonnes
réflexions !