C'est le produit parfait ! ou "Jaune de Damas, j'ai le même à la maison"

 

 
 

 

 
 Au bar du TGV, un agent immobilier me faisait part de ses difficultés : « Les clients sont tous les mêmes, ils veulent « THE » bien idéal : exposé sud mais pas trop chaud l’été, en centre-ville mais sans vis-à-vis, avec un jardin nécessitant peu d’entretien, proche des transports mais sans nuisances sonores, une grande surface mais une petite taxe foncière, à leur goût mais sans faire de travaux … Le bien idéal n’existe pas ! Pire, s’il existait, il serait tellement cher que presque personne ne pourrait se l’offrir … Donc pas idéal du tout ! »

J’ai acheté un appartement en 2014 et en l’écoutant, je me suis reconnu. Nous sommes bien tous les mêmes. Nous rêvons de l’idyllique mais au prix du discount ! Acheter est toujours un compromis : entre le prix, nos réels besoins et nos motivations, nos désirs et nos rêves.

Voilà l’occasion de bousculer une idée reçue sur le métier de la vente : « Un bon vendeur vendrait un réfrigérateur à des Esquimaux. »
Eh bien non, ce vendeur-là n’est pas un bon vendeur, c’est un escroc.

Vendre consiste à aider un acheteur à réaliser un compromis entre ses besoins, ses désirs, son rêve et ses contraintes : délai, budget… Par conséquent, pas de possibilité de vente s’il n’y a pas au départ un besoin conscient ou inconscient à satisfaire.
Notre société est tout entière orientée vers la création de besoins : nous avons toujours besoin de quelque chose, de plus, de mieux, de plus récent, de plus performant, de plus valorisant, etc.
Inutile donc d’essayer de vendre à des clients qui n’ont pas de besoins, la masse des clients qui en ont est déjà largement suffisante !

Un exemple sur ce sujet m’a été fourni par l’agent immobilier lors de notre conversation : « Le pire, ce sont les touristes de l’immobilier. Comme les visites sont gratuites, des gens se présentent pour visiter des biens, mais lorsque nous leur demandons quel est leur projet, pas de réponse. Avec l’expérience, je sais qu’on ne change pas de logement en vente-acquisition s’il n’y a pas un vrai besoin ou une envie en amont. Et des gens qui ont un vrai projet, il y en a tant les occasions ne manquent pas : mariage, divorce, naissance des enfants, départ des enfants, retraite, mutation professionnelle, etc. On a déjà largement de quoi faire ! »

 
 
 
 Le besoin est le point de départ. Les désirs forment l’objectif. Le budget, la limite sur laquelle nous butons.
Un vendeur doit aider son client à rapprocher ses désirs, ses rêves de ses besoins plus raisonnables et réels pour qu’ils respectent son budget. Quand bien même, il aurait réussi à faire en sorte que le client « revoit » son budget à la hausse, il est fréquent que celui-ci ne permette pas d’acquérir le bien rêvé ! L’acte de vente peut alors commencer !

Nous avons parfois « mal au portefeuille » au moment de payer, même si nous sommes loin d’être radins ! Sortir notre portefeuille est parfois un geste douloureux : raideur dans le bras, épaule ankylosée, main raide, doigts engourdis … A plus forte raison pour les achats obligatoires mais non anticipés – la chaudière qui rend l’âme, -, ou obligatoires mais qui n’ont aucune résonnance « plaisir » : acheter une cuisinière pour une personne qui n’aime pas cuisiner est tellement plus douloureux que l’achat d’un piano professionnel pour un amateur de cuisine…Quand bien même celui-ci vaut dix fois le prix d’une cuisinière first price !

Pour autant, ne pas obtenir ce que nous devons ou voulons acheter est une vraie source de frustration, souvent plus douloureuse que le moment du paiement. Même si l’achat est rébarbatif, « effortant » car non désiré, il y a au moins une satisfaction : « c’est fait…on passe à autre chose ! »

 
 
 
Exemple vécu à l’occasion de la coupe du monde 2018 de football : l’achat d’un nouveau téléviseur grand écran plat avec des noirs plus noirs et des couleurs plus colorées donnant l’impression « d’y être vraiment » s’impose à un ami « fouteux » pour cet évènement planétaire et populaire.
Geoffroy est devant le rayon des téléviseurs. Pas moins de 40 modèles exposés : HD, Full HD, 4K, plasma, LED, rétroéclairé, incurvé, prise HDMI, USB, OLED, smart TV, etc. Et des prix qui oscillent de 200 € jusqu’à plus de 8 000 €…Quand même !
Pas très doué en nouvelle technologie, Geoffroy est perdu ! Alors comment choisir ?

Deux scénarios se profilent :
- Pas de vendeur dans les rayons : Geoffroy hésite et se perd dans les normes, les caractéristiques techniques et les prix. Très vite, une petite musique trotte dans sa caboche : est-ce vraiment le moment ? Est-ce bien raisonnable ? N’ai-je pas plus urgent à acheter ? Il faut régler bientôt le 2ème tiers des impôts…
Geoffroy ressort du magasin les bras nus et le portefeuille plein.
Mais déçu, frustré même. Il devra se contenter de regarder la coupe du Monde de football sur mon vieux téléviseur avec des noirs moins noirs et des couleurs moins colorés.

- Un vendeur s’approche et lui propose son aide. Au fil de la discussion, il amène Geoffroy à faire la part des choses entre ce qu’il peut s’offrir et ce qu’il rêve d’avoir. Il le guide dans la jungle des caractéristiques techniques : « Inutile de prendre un écran trop grand, vous n’avez pas assez de recul dans votre salon, ça risque d’être désagréable ». Ça tombe bien, il y a une opération promotionnelle pour la coupe du Monde sur un modèle qui sied à Geoffroy. Pro-actif, le vendeur invite Geoffroy à se décider : « On valide ce choix ? ». Geoffroy acquiesce. Il sourit. La décision est prise. Le plus difficile est fait. Le vendeur le savait, c’est la raison pour laquelle, il l’a finement accompagné dans ce moment délicat plutôt que de le laisser seul face à sa conscience et à la culpabilité qui accompagne souvent les achats « plaisirs ». Cette culpabilité qui nous emmène à justifier un achat pas toujours assumé : « Le vendeur m’a dit d’acheter cette télé mais qu’il la reprendrait si on changeait d’avis…Alors, comme il la reprend si…je me suis dit que…T’es d’accord, on la garde, hein ! En plus y’avait une réduc et j’ai cagnotté des points…J’ai bien fait ! »

 
 
 
Revenons à Geoffroy, qui ressort du magasin, souriant, les bras chargés et le portefeuille allégé. Il est ravi de sa décision, de son achat et se délecte par avance des soirées passées devant sa télévision à regarder l’équipe de France nous décevoir/réjouir (1).

En conclusion, nous pouvons avoir la certitude que ce n’est pas le produit parfait qui permet d’obtenir l’adhésion de nos clients, mais bien le travail du commercial, du vendeur.
Il doit écouter pour comprendre pleinement la demande de son client et pour, seulement après, y répondre avec les bons arguments. Par son attitude, il doit apporter de l’énergie au client pour que celui-ci puisse faire les efforts, qu’initialement, il n’imaginait pas avoir à faire : changer d’avis, de produits, accepter un délai de livraison plus long, « descendre » ou « monter »en gamme, augmenter son budget… C’est à ce prix que le vendeur conclura sa vente.
Mais tout cela ne se fait pas au « feeling ». Le commercial doit respecter une chronologie dans le déroulement de l’entretien, poser les bonnes questions, développer les bons arguments, répondre aux objections et accompagner tranquillement le client jusqu’à la prise de décision.

Un dernier détail : le prix !
Lorsque l’on échange avec des vendeurs, le prix est l’argument massue pour expliquer les échecs : « Le concurrent était 20% moins cher ! ».
C’est définitivement, je crois, l’argument le plus faible pour expliquer qu’une vente n’ait pas pu se faire, et ce pour deux raisons.

D’abord, un prix n’a pas de sens si on ne l’associe pas à une offre complète : produit + service + conseil + livraison + conditions de paiement, etc. Une voiture à 15 000 € est-elle chère ? Cela dépend ! Dacia ou Mercedes ? Neuve ou d’occasion ? Quels équipements ? Quelles conditions de financement ? Garantie 2 ans ou 7 ans ? Entretien inclus ou pas ?

 
 
 
Ensuite, nous avons tous fait l’expérience d’avoir acheté plus cher un objet que nous savions pouvoir trouver facilement à un prix plus bas. Nous avons rencontré ce jour-là un vendeur attentif et à l’écoute, capable de nous orienter voire de nous faire évoluer dans notre demande. Ses explications étaient claires et convaincantes. Nous avons choisi de lui faire confiance malgré un prix plus élevé.

Vos commerciaux peuvent donc, s’ils maîtrisent les techniques de vente, remporter des marchés même si vos produits ne sont pas parfaits et même si vos prix ne sont pas les plus compétitifs du marché.

Et vous qu’en pensez-vous ?
Bonnes réflexions
 
Rémi ARAUD
06 37 69 20 19

(1)A (re)découvrir :
(2) Billet écrit avant France – Argentine (huitième de finale). Rayez le verbe inutile.