Management, recrutement, vente : l’écoute est omniprésente. Nous écoutons pour découvrir et comprendre une réalité cachée de nous et parfois même de celui que l’on écoute.
Julien dit avoir « foiré » l’animation de sa réunion d’intégration des nouveaux salariés. Lors du débriefing de cette mission, son manager l’écoute. Peu de questions. Cinq ou six tout au plus pour « ouvrir » des chapitres que Julien laisserait fermés. Intentionnellement parfois, involontairement le plus souvent. « Ta préparation ? » « Ta prise de contact avec les nouveaux collaborateurs ? » « Les premiers messages délivrés ?» « La première question qui t’a été posée et comment tu l’as gérée ? » « Ce que tu as changé par rapport aux autres réunions qui avaient bien fonctionné ? »
Après chaque question, le manager se tait, accepte les hésitations de Julien, le laisse réfléchir le temps qu’il construise sa pensée. Régulièrement, à force de raconter, de se raconter, Julien commence à voir plus clair dans ce qu’il appelle son « foirage » : - « C’est vrai que pour gagner un peu de temps, j’ai écourté le café d’accueil. J’ai tellement de choses à dire qu’habituellement je finis à la bourre. J’ai voulu gagner dix minutes, ça m’a coûté cher ! » - … (2) - Je viens de comprendre un truc ! Le café d’accueil, ça sert à réchauffer une ambiance un peu fraîche. On n’offre pas le café juste pour être sympa ! Pour créer une ambiance, il faut de bonnes intentions et aussi…et surtout du temps. Si on va trop vite, les nouveaux collaborateurs rentrent dans la salle encore frigorifiés. Mal à l’aise, soit ils ne participent pas, soit ils participent « mal » : les questions sont déstabilisantes, parfois provocatrices. Quand j’entends une question foireuse, je m’agace, je bégaie, je rougis…Possible même que je sois perçu comme un garçon irritable et agressif alors que je suis un vrai bonbon. Le comble, quand même ! Plus jamais je ne gagnerai du temps sur la prise de contact. - … (2) - Bon, je n’ai plus qu’un truc à faire : retravailler ma façon de passer les messages de manière plus courte et impactante pour terminer à 11h00 comme prévu ! Je bosse une nouvelle présentation, je viendrai te montrer ce que j’ai fait.
L’écoute maîtrisée de ce manager a permis à Julien de cheminer par lui-même. Le manager s’est contenté de l’aiguiller, de le pousser par quelques relances à poursuivre une réflexion non aboutie, parfois trop paresseuse, peu courageuse, jusqu’à en retirer des enseignements exploitables.
Et c’est là, la deuxième vertu de l’écoute !
Non seulement elle permet à celui qui écoute de comprendre, de récolter des informations, mais elle donne également du jus à celui qui est écouté. Probablement parce que l’écoute individuelle, l’écoute longue, l’écoute respectueuse, l’écoute attentionnée, l’écoute ininterrompue est le meilleur moyen de répondre au besoin vital de chacun d’entre nous : être reconnu, être regardé.
On regarde mieux nos interlocuteurs avec nos oreilles qu’avec nos yeux !
Et puisque l’écoute donne du jus, de l’énergie, de la confiance, de la motivation, en conséquence elle permet à celui que l’on écoute de changer son regard sur le monde, sur son monde. Ce faisant, il peut entreprendre des choses qu’il n’aurait pu faire sans ce stock d’énergie disponible : • comprendre une situation difficile, • se remettre en cause face à un échec, • changer d’avis, • accepter ou prendre une décision, passer de la justification : « Ce n’est pas de ma faute » à la lucidité : « J’y suis quand même un peu pour quelque chose », jusqu’au projet : « Qu’est-ce que je peux faire ? » |